Focus | Les accords de conciliation en « lieu protégé » – profils de légitimité
Les entreprises et les travailleurs se trouvent souvent à devoir signer des accords de conciliation (devant la Direction territoriale du travail – en italien, Direzione Territoriale del Lavoro – ou un syndicat). Un arrêt récent de la Cour d’appel de Naples a mis en évidence le fait que, malheureusement, dans certains cas, le contenu de l’accord ne reflète pas la libre volonté des travailleurs.
Analysons le cas d’espèce et faisons le point sur ces accords de conciliation.
Le cas d’espèce
La Cour d’appel Section Travail de Naples (arrêt n° 383/2021 déposé le 3 janvier 2022) s’est récemment prononcée sur une question soulevée par des travailleurs qui estimaient avoir été injustement discriminés par l’employeur, au moment du recrutement. En effet, bien qu’ayant obtenu l’aptitude au poste, ils avaient été exclus du recrutement car ils avaient refusé de signer un accord de conciliation avec l’employeur. L’accord prévoyait qu’ils auraient renoncé à faire valoir des réclamations relatives à la période de travail précédente avec le même employeur (en particulier, ils auraient dû renoncer aux contestations concernant certains contrats de travail à durée déterminée précédemment conclus entre les mêmes parties, qu’ils considéraient illégitimes).
Au moment de la signature de l’accord de conciliation (à laquelle, dans un premier temps, les travailleurs s’étaient présentés), la DTL avait constaté que les accords avaient été rédigés intégralement par l’employeur et que l’expression d’une libre volonté des travailleurs faisait défaut. La DTL avait donc refusé de poursuivre la procédure. L’employeur avait alors proposé de signer les accords devant un syndicat, mais ceux-ci, à ce stade, avaient refusé. Pour cette raison, l’employeur les avait remplacés en embauchant d’autres personnes à leur place.
Les accords de conciliation en droit du travail italien : un lieu « protégé » pour un accord « tombal »
La conciliation représente un pivot central et incontournable du conflit en droit du travail, tant dans la phase extrajudiciaire que dans la phase judiciaire (à la première audience, dans le rite du travail, une tentative de conciliation obligatoire par le juge est prévue). L’accord de conciliation est, en effet, un outil visant à prévenir l’apparition de litiges judiciaires entre le travailleur et l’employeur. Par conséquent, le procès-verbal de conciliation peut inclure des renonciations à faire valoir certaines réclamations ou certains droits ou des transactions à travers lesquelles les parties se font des concessions mutuelles.
Pour que l’accord entre le travailleur et l’employeur soit immédiatement efficace et non susceptible de recours (on a ainsi l’habitude de dire qu’il s’agit d’un accord « tombal »), il est nécessaire de le signer dans un lieu, dit « protégé », c’est-à-dire apte à garantir vraisemblablement l’authenticité et la spontanéité du consentement du travailleur.
Les lieux protégés sont :
- le tribunal (dans le cas où une procédure a été engagée) ;
- les Commissions de Conciliation de l’Inspection Territoriale du Travail – en italien Ispettorato Territoriale del Lavoro (anciennement Direction Provinciale du Travail – en italien Direzione Territoriale del Lavoro) ;
- les Collèges de Conciliation et d’Arbitrage ;
- le syndicats.
Il convient de rappeler que, en droit du travail, le travailleur est toujours considéré comme une partie « faible », conditionnable et à protéger. Par conséquent, étant donné que les accords de règlement privés (non signés dans un lieu « protégé ») pourraient être forcés par l’employeur, lesdits accords – à moins qu’ils ne concernent des droits disponibles du travailleur – ne sont pas considérés valides et peuvent être contestés dans les six mois suivant leur stipulation ou la fin de la relation de travail si celle-ci intervient après (art. 2113 c.c.). La signature d’un accord dans un lieu « protégé » est donc tout à l’avantage du travailleur, qui est mieux protégé, et qui dispose alors d’un procès-verbal ayant efficacité immédiate de titre exécutoire. Ainsi, pour agir par voie d’exécution contre l’employeur défaillant, il suffira de demander au Tribunal d’apposer la formule exécutoire, sans avoir à procéder à une vérification préliminaire de l’existence du droit.
Sauf dans les cas où un procès a été engagé, le syndicat est, dans la pratique, une solution privilégiée (probablement pour des raisons de simplicité, de rapidité et de moindres coûts). Cependant, étant donnée la conflictualité importante qui caractérise le monde du travail, il n’est pas rare que le système subisse des dérives. La jurisprudence est donc intervenue pour, par exemple :
- rappeler l’importance d’une assistance syndicale effective (la simple présence d’un syndicaliste, d’une organisation syndicale différente de celle à laquelle appartient le travailleur, concrétiserait une protection fictive du travailleur, à moins que celui-ci ne lui confère un mandat spécifique d’assistance) ;
- réitérer l’importance d’un consentement exprès qui doit être exempt de vices afin que les renonciations soient valides ;
- affirmer la possibilité de contester les procès-verbaux de conciliation signés par un seul syndicat en dehors des hypothèses prévues par les accords collectifs et, en tout état de cause, en l’absence de représentativité effective du syndicat concerné.
Dans le cadre d’une conciliation, l’intervention d’avocats peut donc s’avérer aux côtés de chacune des parties ; ceux-ci seront effectivement chargés de les assister, de les représenter, de les informer concernant les implications de l’affaire, les implications concrètes de l’accord et la portée réelle des renonciations et concessions exprimées. En ce sens, nous verrons également si la solution proposée avec la loi délégation 206/2021 pour la réforme de la justice civile (c’est-à-dire l’introduction de la négociation assistée pour les litiges en droit du travail avec l’assistance d’avocats ou de consultants en droit du travail, sans avoir besoin de passer par un lieu protégé), sera concrètement plus avantageuse ; nous attendons donc le décret législatif d’application qui définira ses modalités de fonctionnement.